La Bataille de la Ferme de la Croix Rouge
25 et 26 juillet 1918
«…le 167e régiment d’Alabama, assisté par l’aile gauche du 168e régiment d’Iowa, a pris d’assaut et capturé la ferme de la Croix Rouge d’une manière qui, par sa bravoure, n’a jamais, à mon avis, été surpassée dans l’histoire militaire. C’est une des rares occasions ou l’usage de la baïonnette fut prévalent. »
Douglas MacArthur, Réminiscences, 1964
La division arc-en-ciel avait démontré sa vaillance sur le front de Champagne. Dans les jours qui suivirent les combats du 14 et 15 juillet, le général Foch décida de l’utiliser sous le commandement du General Degoutte pour percer la poche de Château-Thierry qui contrôlait la vallée de la Marne dont la conquête était essentielle pour bloquer la route de Paris aux Allemands. Foch décida donc de libérer la poche de Château-Thierry et de lancer une attaque surprise contre Soissons. Le commandement allié, confiant dans les capacités de la division arc-en-ciel, lui enjoignit de quitter le front de Champagne le 20 Juillet et de remonter vers Château-Thierry pour remplacer la 26e division US.
Le 25 juillet, au crépuscule, un premier régiment de la division arc-en-ciel, le 167ème régiment d’infanterie (Alabama), sous les ordres du Colonel William Preston Screws, relève des éléments de la 26ème « Yankee » division (Nouvelle Angleterre) dans la forêt à l’ouest de la ferme de la Croix Rouge. Ils ont face à eux la dixième division de la Landwehr. Toute la nuit, l’artillerie allemande tire de façon intermittente contre les troupes d’Alabama.
Au matin du 26 juillet, dans le froid et l’humidité, c’est au tour du 168ème régiment (Iowa) de quitter Epieds pour prendre position dans les bois à l’ouest et au sud de la ferme. Ces deux régiments avaient acquis leur expérience dans les tranchées de Lorraine et en combattant sur le front de Champagne avec la 4ème armée française du Général Gouraud. Le chef d’état-major de la division était le Colonel Douglas MacArthur.
La 26e division US affaiblie n’avait pas fourni de guides aux deux régiments de la 84e brigade, les 167e Alabama et 168e Iowa, qui étaient chargés de se diriger vers la ferme de la Croix Rouge, une des positions allemandes les mieux défendues du secteur de Château-Thierry. En quittant Epieds, les deux régiments perdent le contact et les Iowains sont retardés par l’artillerie allemande dans le bois de Fary. Leurs bataillons sont aussi sans contact entre eux et ce n’est que dans l’apres-midi du 26 que la liaison est à nouveau rétablie avec le 167e régiment, mais trop tard pour l’assaut de la ferme ordonné à 16 :50. Seul le régiment d’Alabama est prêt à l’attaque. Faisant uniquement confiance à sa montre, le colonel Screws, commandant du 167e régiment d’Alabama, donne l’ordre d’attaquer. Sa capacité d’anticiper, son sens de la planification et son adhérence stricte aux ordres en utilisant sa montre seront inscrits dans les annales de l’infanterie américaine en 1930 par George C. Marshall quand il fut colonel et directeur de l’école d’infanterie de Fort Benning.
L’artillerie promise par la 26e division US n’étant pas arrivée, c’est sans aucun support d’artillerie que le premier bataillon d’Alabama, sortant des bois à l’ouest, avance à découvert à 16 heures 50. Des éléments des compagnies C et D chargent en passant à travers les compagnies A et B. Ils perdent rapidement mortiers et mitraillettes et, en un peu plus de quinze minutes de combat à découvert, sont pratiquement éliminés. La bataille semble perdue, le silence se fait sur le champ de bataille pendant plus d’une heure. Un deuxième effort avec la centaine d’hommes restant des compagnies D et C s’organise. Ces hommes chargent à découvert, et tandis que la moitié s’effondre sous le feu ennemi, les autres usant aussi bien leur fusil que leur crosse ou leur baïonnette, repoussent avec succès les Allemands du champ de bataille.
A peu près au même moment, le troisième bataillon charge par le sud et le sud-ouest mais il est arrêté par les tirs en provenance de la ferme et des positions allemandes situées en plein champ et le long de la route au sud. La compagnie semble condamnée quand une section, formée à la hâte, de fantassins et de mitrailleurs de la compagnie K et I, avec le support d’un seul mortier, attaque la ferme par le sud. Ils sont rejoints par une force mixte des compagnies K et L qui a déjà anéanti des mitrailleurs allemands à l’est de la ferme et de la route. Pendant que le feu fait rage, les deux forces d’attaque du troisième bataillon, le reste d’une section de la compagnie L, ainsi que deux rescapés de la compagnie F du 168ème régiment balayent l’ennemi pour s’emparer de la ferme aux alentours de 20 heures. Le feu de l’artillerie allemande continue toute la nuit.
A l’aube du 27 Juillet, le champ de bataille est couvert de morts et de blessés américains et allemands mais les allemands se sont retirés. Pendant la nuit, l’infirmerie de campagne du régiment d’Alabama a traité plus de 1100 hommes, y compris des allemands. Parmi les 162 morts d’Alabama, on compte trois lieutenants et deux capitaines. Décimés, les premier et troisième bataillons fusionnent et sont amalgamés au deuxième bataillon pour une marche vers l’Ourcq à l’est de la ferme. Ils y arrivent à la tombée de la nuit. Pour la première fois en trois jours et trois nuits, ils peuvent s’allonger et dormir quelques heures.
Le père Duffy, chapelain du 165e régiment, New York, qui vint visiter les blesses après la bataille, écrivit plus tard que « la ferme de la Croix Rouge était la dernière position allemande au sud de l’Ourcq.…A aucun moment de la guerre, il n’y eut d’attaque plus vaillante et soutenue que celle de la prise de la ferme de la Croix Rouge le 26 juillet par le bataillon du Major Dallas Smith (3e bataillon, Alabama) »
Au matin du 28 juillet, tous les régiments de la division arc-en-ciel, les 165ème (New York), 166ème(Ohio), 167ème(Alabama) et 168ème(Iowa), sont déployés de gauche à droite pour poursuivre les allemands qui se retirent sur la rive est de l’Ourcq. La division arc-en-ciel traverse l’Ourcq et continue son avancée vers l’est jusqu’à la nuit du 2 Août. Elle aura avancé de 18 kilomètres en 8 jours et elle aura plus de 6500 victimes. Pendant ces combats, le régiment d’Alabama a pour sa part perdu 1785 hommes (morts, blessés et disparus), soit 55% de ses effectifs.